
Jadis,
à mon adolescence je faisais du théâtre
pour mon propre plaisir personnel. J'apprenais des scènes de
diverses pièces classiques comme "Le Cid', "L'Avare", "Les
fourberies de Scapin", "Esther"... J'apprenais aussi des
poésies de divers auteurs. Aussi, j'ai tenu à
vous faire connaitre par cette page certaines poésies que
j'avais récités en public.


Je vis, je meurs : je me brûle et me noie.
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure
J'ai grands ennuis entremélés de joie :
Tout à coup je ris et je larmoie,
En un plaisir maint grief tourment j'endure ;
Mon bien s'en va, et à jamais il dure ;
Tout en un coup je sèche et je verdoie.
Ainsi amour inconstamment me mène ;
Et, quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouve hors de peine.
Puis, quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.


Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les
éthers,
Par delà les confins des sphères
étoilées.
Mon esprit, tu te meus avec agileté,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde ;
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.
Envole-toi bien loin de ses miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;
Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
Qui plane sur la vie, et comprends sans effort,
Le langage des fleurs, et des choses muettes.


Je fais souvent ce rêve étrange et
pénétrant,
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même,
Ni tou à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas cesse d'être un
problème,
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraichir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la vie exila.
Son regard est pareil au regard des status,
Et pour sa voix lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Joseph, un jour, se met
à jouer, devant Burlette, une fille du voisinage. Le morceau
terminé, il voit la jeune fille pleurer. Courant alors
auprès d'elle et lui prenant les mains :
- Explique-toi, ma mignonne,
dit-il, et fais-moi connaitre si c'est de compassion pour moi que tu
pleures, ou si c'est de contentement ?
- Je ne sache point, répondit-elle, que le contentement
d'une chose comme ça, puisse faire pleurer. Ne me demande
donc point si c'est que j'ai de l'aise ou du mal ; ce que je sais,
c'est que je ne m'en puis empêcher, voilà tout.
- Mais, à quoi est-ce que tu as pensé, pendant ma
flûterie ?
- Je n'ai pensé à rien, dit Burlette, ; mais j'ai
eu mille ressouvenances du temps passé... Tu me paraissais
comme dans l'âge où nous demeurions ensemble, et
je me sentais portée avec toi par un grand vent qui nous
promenait tantôt sur les blés mûrs,
tantôt sur des herbes folles, tantôt sur
des eaux courantes ; et je voyais des prés, des bois, des
fontaines, des pleins champs de fleurs et des pleins ciels d'oiseaux
qui passaient dans les nuées. J'ai vu encore, la terre
couverte de neige et des saulaies remplies d'alouettes, et puis des
nuits remplies d'étoiles filantes, et nous les regadions,
assis tous deux sur un tertre pendant que nous bêtes
faisaient le petit bruit de tondre l'herbe ; enfin j'ai vu tant de
rêves que c'est déjà
embrouillé dans ma tête ; et si ça m'a
donné l'envie de pleurer, ce n'est point par chagrin, mais
par une secousse de mes esprits que je ne veut point t'expliquer du
tout.
- C'est bien, dit José. Ce que j'ai songé, ce que
j'ai vu en flûtant, tu l'as vu auss. Merci, Burlette. Par
toi, je sais que je ne suis point fou et qu'il y a une
vérité dans ce qu'on entend comme dans ce qu'on
voit. Oui, oui ça parle ce méchant bout de roseau
; ça dit ce qu'on pense ; ça montre comme avec
les yeux ; ça raconte comme avec les mots ; ça
aime comme avec le coeur ; ça vit, ça existe. Et
à présent, José le fou,
José l'innocent, Jose l'ébervigier, tu peux bien
retombre dans ta stupidité ; tu es aussi fort, aussi savant,
aussi heureux qu'un autre.


Si notre vie est moins qu'une journée
En l'éternel, si l'an qui fait le tour
Chasse nos jours sans espoir de retour,
Si, périssable est toute chose née,
Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?
Pourquoi te plait l'obscur de notre jour,
Si pour voler en un plus clair séjour,
Tu as au dos l'aile bien empennée ?
Là est le bien que tout esprit désire,
Là le repos où tout le monde aspire,
Là est l'amour, là le plaisir encore.
Là, ô mon âme, au plus haut ciel
guidée,
Tu y pourras reconnaitre l'Idée
De la beauté, qu'en ce monde j'adore.


Si ce n'est pas Amour, qu'est-ce donc que je sens ?
Si c'est Amour, Par Dieu, quelle chose est-ce là ?
Si elle est bonne, d'où l'effet âpre et mortel ?
Si mauvaise, qui fait chaque tourment si doux ?
Si je brûle par ma volonté,
d'où ces pleurs, ces plaintes ?
Et si c'est malgrès moi, à quoi sert de
gémir ?
O mort vivante, ô mal délicieux,
Comment as-tu sur moi tel pouvoir, si je n'y consens pas ?
Si j'y consens, j'ai grand tort de me plaindre.
Parmi vents si contraires, sur une frêle barque,
Je me trouve, sans gouvernail, en haut mer :
Barque si légère de savoir, d'erreur si lourde,
Que moi-même ne sais ce que je veux :
Je frissonne en été, et je me brûle en
hiver !

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes de haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la montagne pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.


Je m'en allais, les poings dans
mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! Et j'étais ton féal
;
Oh ! là là que d'amours splendides j'ai
rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou,
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigeur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon
coeur !


La
lune s'était levée, ronde et brillante, derrière
les champs. Une brume d'argent flottait au ras de sol, et sur les eaux
miroitantes. Les grenouilles coassaient, et l'on entendait dans les
prés la flûte mélodieuse des crapauds. Le
trémolo aigu des grillons semblait répondre au
tremblement des étoiles. Le vent froissait doucement les
branches des aulnes évoquant le son majestueux de quelques
harpes éoliennes. Des collines au-dessus du fleuve, descendait
le chant fragile d'un rossignol.
Christophe, avait bien des fois entendu tous ces bruits de la nuit, et
il les aimait. Mais jamais il ne les avait entendus ainsi.... Il se
sentait le coeur gonflé de tendresse. Il aurait voulu embrasser
les prés, le fleuve, le ciel, les chères étoiles.

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